Les enfants du vide de Raphaël Glucksmann

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Sous titre : de l'impasse individualiste au réveil citoyen.

Quatrième de couverture : Notre échec est grandiose. Nous pensions que la démocratie allait s'étendre sur le globe, mais elle est en crise partout. Nous chantions les bienfaits des échanges, mais la mixité sociale recule et de nouveaux murs s'érigent chaque jour. Nous avions la religion du progrès, mais le réchauffement climatique prépare la pire des régressions. L'insurrection populiste et le désastre écologique en cours montrent que le logiciel néolibéral nous mène dans l'abîme. Pour ne pas tout perdre, nous devons sortir de l'individualisme et du nombrilisme. Si nos aînés ont vécu dans un monde saturé de dogmes et de mythes, nous sommes nés dans une société vide de sens. Leur mission était de briser des chaînes, la nôtre sera de retisser des liens et de réinventer du commun. Des chemins existent pour sortir de l'impasse. Saurons-nous les emprunter ?

J'ai voulu lire ce livre qui est paru fin 2018 parce que Raphaël Glusckmann  est tête de liste aux élections européennes sur la liste soutenue par le PS. Je voulais connaître ses réflexions concernant la politique en France, en Europe et dans le monde. J'ai eu connaissance de ce livre en lisant, je ne sais plus où, un article qui y faisait référence et relatait le premier chapitre qui s'intitule "le tabouret de Matthieu".

Il parle du tabouret de Matthieu suite à l'observation du tableau de Caravage qui se trouve dans l'église Saint-Louis-des-Français à Rome et qui s'intitule  : Saint Matthieu et l'ange. Sur ce tableau, le tabouret, sur lequel saint Matthieu a un genou posé pendant qu'il écrit ce que lui dicte l'ange, a un pied dans le vide. Et il termine ce chapitre en disant : Une "main" politique doit alors s'affranchir du cadre habituel pour restaurer la balance. Comment faire émerger cette "main" capable de redresser le tabouret de Matthieu et de soigner nos démocraties ? Voici l'objet de ce livre. Et, au-delà, la mission de notre génération.

Ce qui l'a décidé à écrire ce livre c'est la rencontre après une conférence en Lorraine en mars 2017 avec un retraité de la sidérurgie qui lui parle de ses deux fils. Lui a toujours voté à gauche, il a été syndiqué, et ses deux fils, qui possèdent beaucoup plus que lui n'a jamais eu, votent tous les deux pour le FN.

Quelques extraits : "Les sociétés occidentales d'après-guerre avaient plus ou moins forgé un homo democraticus mesuré dans ses succès et soutenu par la collectivité dans ses déboires. Il laisse désormais place à un individu qui voit dans chacun de ses dollars une confirmation de son génie et dans la misère de son concitoyen la preuve de sa fainéantise. Un individu libéré du souci de l'autre et du commun."

"Alors que les riches deviennent de plus en plus riches, ils ont de plus en plus de moyens de pousser les politiques à souligner tel ou tel aspect de la vie sociale. Plus les riches sont riches, plus ils injectent de l'argent dans les campagnes électorales et le débat public. Et moins les politiques s'attaquent, en retour, aux inégalités de revenu qui font la fortune de leurs donateurs. Plus les riches gagnent d'argent, plus ils en versent à nos représentants et plus ceux-ci leur permettent d'en gagner... L'atmosphère socioculturelle dans laquelle baignent les dirigeants politiques a changé."

"Le 12 avril 2018, Macron répond spontanément : ça fait trente ans que les gens nous disent : cet impôt est contre-productif. Le journaliste ne relève pas, comme s'il s'agissait d'une évidence, et passe à autre chose. On est pourtant en droit de savoir qui sont "les gens" qui réclament la suppression de l'ISF depuis "trente ans". Sur quel marché, dans quelle ville ou dans quel village de France les électeurs se jettent-ils sur les hommes et les femmes politiques pour protester contre l'injustice et  l'inefficacité de l'ISF ? "Les gens, "ce sont évidemment ceux qu'Emmanuel Macron fréquente, avec lesquels il discute : le milieu dans lequel il évolue depuis de longues années et dont il épouse la vision comme la logique, les intérêts comme le langage... Contrôler les chômeurs apparaît comme essentiel. Lutter contre les systèmes ingénieux mis en place par les plus fortunés pour échapper à l'impôt semble moins urgent... Pareil déséquilibre s'explique facilement : nos dirigeants fréquentent tout simplement plus de gens assujettis à l'ISF que de bénéficiaires du RSA. Lancer une croisade contre la fraude fiscale prendrait de front leur cercle de connaissances (et de leurs donateurs) alors que stigmatiser les pauvres ne leur coûte socialement rien."

"Pour les enfants de ce vide, la quête d'une vie digne et libre exige de retisser du lien plutôt que de briser des chaînes. Ou alors de comprendre que l'absence de lien est la chaîne que nous devons briser."

"Deux voies s'offraient alors et nous avons feint d'emprunter les deux. D'un côté la dérégulation, les traités de libre-échange, les négociations de l'OMC encouragèrent le "laissez-faire, laissez-passer". De l'autre se succédèrent les sommets appelant à affronter collectivement le réchauffement climatique. L'enchevêtrement de ces deux logiques est spectaculaire : en 1992 eut lieu le Sommet de la Terre de Rio, en 1994 se déroulèrent les négociations de l'OMC, en 1997 fut signé le Protocole de Kyoto,etc. jamais ces deux lignes ne se croisèrent dans la tête de nos dirigeants. Jamais ils ne firent le lien entre ces deux voies qui partaient dans des sens opposés. L'influence d'une logique sur l'autre ne fut que rarement évoquée. Et jamais au bon endroit, au coeur du pouvoir... Le résultat, vingt ans plus tard, est édifiant : quand l'Ontario décide d'un ambitieux plan climat favorisant l'implantation locale des industries vertes, il est condamné par l'OMC pour atteinte à la concurrence libre et non faussée. Son plan doit être jeté à la poubelle : la transition énergétique attendra. Chaque pays s'est auto-amputé et a inscrit dans le droit son amputation. La mondialisation du libre-échange fut décrétée légalement contraignante, celle de la régulation écologique demeura incantatoire : les deux voies ne furent pas empruntées avec le même entrain. Prendre l'écologie au sérieux suppose donc, aujourd'hui, de renégocier des traités internationaux. De défaire ce qui fut fait pour ne plus pouvoir faire : de reprendre le contrôle".

"Nous sommes les enfants du vide. Nous savons que la société de solitude qui nous a vus naître n'est pas durable. Nous savons que les anciennes idéologies, les vieux partis, les antiques structures ne nous aideront pas à en sortir. Nous savons que le vertige qui s'empare de nous face au désastre écologique est la condition de notre rémission future. Nous savons qu'une promesse d'aube se love dans ce crépuscule pourvu qu'on ose l'affronter. Nous savons vers où aller et comment y aller. Nous savons quel horizon esquisser et quelle route emprunter. Nous savons ce qu'il nous reste à faire. Nous en sommes capables.

 

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Commenter cet article
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Il faut changer complètement de système, sortir de la société capitaliste, de la logique de production, de consommation et de croissance à tout prix, source d'inégalités et de désastre écologique. Mais beaucoup ont trop a perdre dans ce changement, alors il se fera jamais. L'argent gouverne...
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B
Le problème aussi c'est qu'on est devenu beaucoup trop individualiste, il n'y a plus du tout d'entraide entre les personnes. Chacun essaie de s'en sortir tout seul alors qu'à plusieurs ils y arriveraient certainement mieux. Tout le monde se méfie de son voisin.
L
Ma frangine est une revolutionnaire ????????