Les anges meurent de nos blessures de Yasmina Khadra

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L'histoire se passe dans l'Algérie des années 1920. Turambo, ce n'est pas son vrai nom, c'est le nom du village misérable où il est né. Dès le début du livre, on sait qu'il est en prison et qu'il attend son exécution à mort : "Dans la cour, on a essayé le couperet. A trois reprises. Clac!... Clac!... Clac!... A chaque coup, mon coeur bondissait dans ma poitrine telle une gerboise effarouchée." et qu'il est très jeune : "Je tente de penser à quelque chose. Ma tête est un désert. Je n'ai que vingt-sept ans, et en ce mois de juin 1937, tandis que la canicule m'initie à l'enfer qui m'attend, je me sens aussi vieux qu'une ruine. J'aimerais avoir peur, trembler comme une feuille, redouter les minutes qui s'égouttent dans l'abîme, bref me prouver que je ne suis pas encore bon pour le fossoyeur - pas une zébrure d'émotion. Mon corps est de bois, mon souffle est une diversion. de toutes mes forces, je presse ma mémoire dans l'espoir d'en faire jaillir une silhouette, un visage ou une voix qui me tiendrait compagnie. Peine perdue. Mon passé s'est rétracté, mon parcours me largue, mon histoire me renie."

Et pourtant, tout au long des presque 400 pages suivantes, on va revivre toute sa courte vie. De la misère de l'enfance jusqu'à l'adulation des foules. Mais aussi du racisme des Français envers ces Algériens. Alors, on cherche qui il a tué pour être condamné à mort. Plus on avance, on croit deviner, et à chaque fois on se trompe. Il faut arriver dans les pages 380 pour comprendre, mais le suspens dure encore, car en quelques pages il y a plusieurs victimes possibles. Enfin, on sait et c'est aussi misérable que sa vie. Mais, au dernier chapitre, il y a encore un rebondissement, qui nous fait lire sans nous arrêter. Lorsque c'est fini, on aimerait que ça continue encore. J'aime vraiment l'écriture de Yasmina Khadra.

Un autre extrait : "Cette femme m'avait toujours fait de la peine. Son visage portait la trace d'un vieux chagrin qui refusait de se dissiper. C'est par Rokaya que j'avais cru comprendre qu'il est des drames qui veillent à demeurer en surface, pareils à de vilaines cicatrices, pour ne pas tomber dans l'oubli et absoudre ainsi la mal qu'ils ont commis... car le mal revient dès lors qu'il est pardonné, persuadé qu'on le réhabilite, et alors il ne sait plus s'arrêter. Rokaya gardait ses plaies ouvertes comme ses yeux. Pour ne pas perdre de vue la moindre peine subie par crainte de ne pas la reconnaître si elle avait le culot de frapper de nouveau à sa porte. Son visage, dans un sens, était un miroir où chaque épreuve exhibait ses factures dûment payées. Et les épreuves s'évertuaient à faire de ses rides un parchemin inextricable dont toutes les voies de sortie conduisait au même crime originel, celui d'une enfant de cinq ans qui avait omis de fermer l'enclos où se retirait l'unique chèvre de la famille."

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Ca me donne bien envie de le lire, surtout que j'aime beaucoup Yasmina Khadra moi aussi!
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