S'adapter de Clara Dupont-Monod

Publié le

Une fois de plus j'ai adoré ce roman qui a reçu le prix Goncourt des lycéens en 2021 !

Quatrième de couverture : "C'est l'histoire d'un enfant différent, toujours allongé, aux yeux noirs qui flottent, un enfant inadapté qui trace une frontière invisible entre sa famille et les autres. C'est l'histoire de sa place dans la maison cévenole où il naît, au milieu de la nature puissante; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversées. Celle de l'aîné, qui, dans sa relation fusionnelle avec l'enfant, s'abandonne et se perd. Celle de la cadette, dans la colère et le dégoût de celui qui a détruit l'équilibre. Celle du petit dernier qui a la charge de réparer, tout en vivant escorté d'un frère fantôme.

Comme dans un conte, les pierres de la cour témoignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de l'aîné qui aime follement, de la cadette révoltée. Du dernier qui saura réconcilier les histoires.

La naissance d'un enfant handicapé racontée par sa fratrie. Magnifique et lumineux."

Les pierres racontent comment chaque enfant a vécu la présence de l'enfant handicapé dans la famille. Le roman ne compte que trois chapitres révélant la réaction de chacun des enfants. Aucun enfant n'a de prénom, il y a l'aîné, la cadette, l'enfant et le dernier. Le dernier naîtra longtemps après. L'aîné et la cadette ont déjà quitté la maison, l'enfant est déjà décédé. Il est décédé à l'âge de dix ans. Mais tous les trois seront marqués à vie par l'enfant. Même le dernier qui ne l'a pas connu, mais qui vit dans son souvenir quand même. La cadette lui a beaucoup raconté comment était l'enfant.

Extraits : "Plus tard, viendrait la gêne des regards posés sur la poussette, un sentiment de honte qu'il vivrait comme une trahison envers son frère."

"Il éprouvait envers sa soeur ce même réflexe protecteur qui lui interdirait plus tard d'avoir des enfants. À trop frémir au moindre bruit du monde, à craindre le pire, on n'équilibre personne... C'était sans appel - puisque la vie peut renverser les bonheurs si facilement. Puisqu'une enfance peut basculer, un corps ne pas répondre, des parents souffrir."

"Il porte aussi en lui un état d'alerte. Lorsqu'il sort de réunion ou d'une séance de cinéma et qu'il rallume son portable, il a souvent une bouffée de soulagement. Il n'a pas reçu de message affolé. Pas d'arrachement ni de catastrophe. Le sort ne lui a pas pris quelqu'un de cher et la famille va bien. Si quelqu'un a cinq minutes de retard, si le bus ralentit brusquement ou qu'un voisin n'est pas apparu depuis quelques jours, il sent monter en lui une tension. L'inquiétude a planté en lui ses racines, germé comme le figuier des montagnes, coriace et résistant. Cela passera peut-être un jour. Peut-être pas."

"Un effondrement peut parfois prendre la forme inverse de ce qu'il recouvre. Le désespoir mue en dureté. Ce fut le cas. L'appel cogneur, l'impulsion, le bouillonnement de colère, tous ces courants qui tambourinaient à sa porte disparurent instantanément, cédant la place à un désert froid. Son coeur se couvrit d'une pellicule de gel. Cette intransigeance lui vint d'instinct. La cadette devint bloc de pierre. Son coeur avait été arraché, elle n'en avait plus, pour elle c'était clos... Sa métamorphose se trouva confirmée le soir où son père, pour la première fois, perdit pied."

"Elle se vit en train de dire à l'enfant tout près de sa joue pâle : "Tu es le désastre", chassa cette pensée. Il était inutile d'ajouter du chaos au chaos. L'heure n'était plus au chagrin. L'heure était au sauvetage d'une famille en péril. Son père devenait violent, sa mère muette, et son aîné était déjà un fantôme. Il était l'heure de combattre. Une force émergea au fond d'elle, d'une froideur tranchante."

"Il sentait qu'une frontière le séparait des enfants de son âge. Il perçait l'épaisseur humaine très facilement. Il attrapait un regard, une mélancolie, une attente, un sentiment d'infériorité, un amour secret, une peur. Mais il veillait à rester humain pour éviter le rejet car, il le devinait, les grands sensibles sont des proies."

"Il se sentait usurpateur. Il s'excusait silencieusement auprès de son frère. Pardon d'avoir pris ta place. Pardon d'être né normal. Pardon de vivre alors que tu es mort."

"Lui non plus, il n'avait plus peur. Sa place était gardée. Sa soeur avait eu l'intelligence délicate de ne rien lui prendre qu'elle eût donné à ses enfants. Tous deux avaient leurs marches dans la montagne, leurs conversations. Le dernier avait le respect de ne pas réclamer davantage et de lui laisser l'entière liberté d'être le parent qu'elle voudrait. La seule question qu'il lui posa, un jour lors de leurs randonnées, ce fut de savoir pourquoi elle tenait ses enfants par la nuque au lieu de leur prendre la main. Pourquoi c'était la nuque, chaque fois, qu'elle touchait, comme lorsqu'elle lui faisait un câlin...Parce qu'un jour j'ai voulu porter l'enfant, je l'ai pris sous les bras mais sa tête est partie en arrière, sa nuque s'est balancée dans le vide, j'ai eu peur, je l'ai lâché, l'arrière du crâne a rebondi contre le tissu du transat, je garde le souvenir épouvantable de cette nuque dégondée, ...la nuque que je n'avais même pas été capable de tenir..."

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M
J'ai entendu parler de ce livre à la radio, il m'avait l'air vraiment bien
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