Prime jeunesse de Pierre Loti

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Après avoir lu "Le roman d'un enfant", je viens de lire "Prime jeunesse" qui lui faisait suite. Avec "Prime jeunesse", Pierre Loti continue de raconter ses souvenirs. "Prime jeunesse" commence quand Loti a seize ans et se termine sur son embarquement, (il a dix-sept ans) : "J'ai voulu arrêter le temps, reconstituer des aspects effacés, conserver de vieilles demeures, prolonger des arbres à bout de sève, éterniser jusqu'à d'humbles choses qui n'auraient dû être qu'éphémères..."

J'ai tout autant aimé sa façon d'écrire que dans "le roman d'un enfant" ; quand on lit, on a l'impression d'y être, on arrive très bien à s'imaginer tout ce qu'il décrit : les lieux, les paysages, et même les personnages ! "Libellules très fines, les unes en métal bleu avec des ailes de deuil en velours noir, les autres en métal vert avec des ailes en gaze d'or et des yeux en rubis, depuis combien de centaines de millénaires leurs merveilleuses petites parurent se propagent-elles ici, inchangeables ? ... ces petites créatures des étés, qui, au-dessus de notre union d'un jour, sont venues danser leurs danses fantasques et légères... Jusqu'à ce qu'ait sonné mon heure de mourir, elles ne cesseront de me faire penser à la chair ambrée d'une jeune gitane..."

De même, il dit encore souvent que tout a changé et que c'était mieux avant. "Ce treizième été de ma vie, où s'arrête le livre de mon enfance, me réapparaît dans le lointain de ma mémoire, comme l'un des plus lumineux de nos beaux étés de France, un de ces étés comme nous en avions autrefois et qui ne se retrouvent plus de nos jours." "C'était encore le temps des humbles petits métiers locaux, que le "progrès" a partout remplacés, de nos jours, par l'enfer des usines." "Le Paris de ce temps-là n'était pas encore tout à fait l'asile d'aliénés qu'il est devenu de nos jours, la fièvre de vitesse et de bruit y sévissait moins intolérablement, et, pour arriver à se faire écraser dans les rues par les débonnaires voitures à chevaux, il fallait y mettre vraiment de la bonne volonté." (que dirait-il aujourd'hui ?)

Il avait écrit "le roman d'un enfant" en 1890 et cette suite, il l'a écrite en 1919, alors qu'il est mort en juin 1923. Il écrit en prélude : "Aujourd'hui, où pour moi tout va finir, je reconnais combien j'ai eu tort de m'entêter à ces luttes inutiles ; ne rien garder eût tellement mieux valu, brûler, brûler, puisque le dernier mot appartiendra toujours à l'oubli, à la cendre et aux vers!... et je prie ceux qui jetteront les yeux sur ce livre, de l'excuser, comme la tentative désespérée d'un de leurs frères qui va sombrer demain dans l'abîme et voudrait, au moins pour un temps, sauver ses plus chers souvenirs."

Il termine en racontant son embarquement sur le Borda une après-midi d'octobre dans la rade de Brest et la cérémonie du premier couchage à bord. "C'est la cérémonie qui s'appelle le branlebas du soir et qui, à bord des vaisseaux de guerre, est toujours à grand spectacle, avec commandements, alignements, défilés, coups de sifflet, sonneries de clairon et roulement de tambour."

"Et voici ce que la mer nous disait à voix si basse :"je suis là tout de même, mes petits enfants ! C'est moi qui vous porte comme autant de frêles plumes, autant de négligeables riens ; c'est moi qui imperceptiblement vous balance... Oui, je suis là, profonde et infinie, en dessous, alentour, partout... Ah ! vous êtes venus, mes petits enfants, vous prendre à mes pièges ; à présent je vous tiens, et, vous verrez, c'est pour la vie ! Remarquez comme je me suis faite cajoleuse et douce, à votre arrivée... Oh ! je ne serai peut-être pas comme ça toujours, vous savez... On se retrouvera, on se retrouvera... C'est moi qui, à mes heures, fais danser la danse d'agonie aux navires ; c'est moi qui, depuis les origines du monde, secoue sur leurs assises tous les granits de l'Armor... Mais, pour votre premier soir, allons, dormez bien ... Pour cette première fois, mes petits enfants, bonne nuit..."

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L
C'est vrai que l'écriture est belle !
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D'après tes extraits, l'écriture a l'air très belle. Je ne sais pas si l'histoire m’intéresserait, mais l'écriture semble jolie, poétique, musicale.
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